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Nouvelles révélations

Appuyé au tronc du grand chêne, Zevin observait la créature qui veillait sans relâche sur le cocon de lumière dorée. Justin dormait un peu plus loin, enveloppé dans une couverture. Depuis des heures, le guérisseur cherchait un moyen d’échanger avec la petite fée. Par malheur, il n’avait pas d’anneau de Salomon, ce bien précieux étant réservé aux êtres de la trempe d’Alix. Il avait failli communiquer avec Madox, mais il s’était ravisé. Dans son message de la veille, Alix lui avait dit de ne surtout pas déranger le frère de Naïla. Zevin n’avait pas eu le temps de lui demander pourquoi, la communication ayant été rompue. Il devait donc attendre le réveil de son compagnon.

Une fois de plus, Zevin leva la tête vers la branche au-dessus de lui. La fée était toujours là, immobile. Il aurait vraiment aimé la voir de plus près. Il avait bien essayé de la convaincre de lui tenir compagnie, mais elle lui avait jeté un regard glacial, estimant sans doute qu’elle était de descendance trop noble pour s’acoquiner avec un humain comme lui.

Subitement, la fée s’anima. Elle prit son envol avant même que Zevin réalise qu’elle avait enfin bougé. Un coup d’œil vers sa destination lui donna la raison de ce déplacement soudain : la lumière enveloppant Alix avait disparu. Sous les directives de la fée, les centaines d’insectes dorés s’éloignèrent rapidement et disparurent dans la pâleur de l’aube naissante, tel un essaim de feux follets. La petite créature se posa alors sur l’épaule d’Alix, examina la plaie nouvellement cicatrisée, puis, visiblement satisfaite, fit de même avec la large cicatrice de la cuisse. Ensuite, d’un battement d’ailes, elle s’élança pour faire du surplace au-dessus du jeune homme. Une pluie très fine de particules argentées tomba sur Alix avant que la fée quitte brusquement les lieux. Zevin en resta pantois.

Il fallut encore une heure au Cyldias pour qu’il reprenne contact avec la réalité. Il s’étira longuement et, l’air complètement hagard, détailla ses blessures avec un froncement de sourcils prononcé. Enfin, il jeta un œil autour de lui, découvrant Justin et Zevin qui attendaient patiemment. Sans même les saluer, il s’adressa au guérisseur :

— J’ai réussi cet exploit tout seul ou tu y es pour quelque chose ?

— Je n’y suis pour rien. C’est une fée qui a veillé à ce que le travail de guérison s’effectue comme il se doit.

Devant l’expression franchement ahurie d’Alix, Zevin éclata d’abord de rire, avant de relater tout ce qui s’était produit depuis son arrivée. Plusieurs fois au cours du récit, Alix hocha la tête, refusant de croire ce que son ami racontait.

Que faisait cette fée sur la Terre des Anciens, alors que son peuple avait suivi les elfes lors de la Grande Séparation ? Et depuis quand les fées se mêlaient-elles de la guérison des mortels ? Il avait entendu dire qu’autrefois leur communauté rendait d’incommensurables services aux Sages et aux Filles de Lune, mais cette époque était depuis longtemps révolue. Plongé dans ses pensées, la question de Zevin lui échappa.

— Qu’est-ce que tu dis ? se reprit-il.

Le guérisseur répéta :

— Il serait peut-être temps que tu nous mettes au courant de ce qui s’est passé pour que tu te retrouves en si mauvais état…

Alix relata sa rencontre avec le sorcier et les Ybis, de même que la perte de la précieuse carte. Il éprouvait un cuisant sentiment de défaite, même s’il devait s’estimer chanceux d’être encore en vie.

Tandis que les deux compagnons discutaient de la suite des événements, Justin réfléchissait à ce qu’il convenait de faire. Sa décision prise, il se lança :

— J’ai…

Mais il s’interrompit aussitôt, hésitant. Tournés vers lui, Alix et Zevin attendaient. Prenant une grande inspiration, Justin bredouilla :

— J’ai… Hum… Je ne vous ai pas… tout dit… concernant cette carte et mon grand-père…

D’un même mouvement, Alix et Zevin haussèrent les sourcils. Le jeune homme enchaîna :

— Je sais, j’aurais dû. Je croyais que ce ne serait pas nécessaire une fois que vous auriez la carte. Jamais je n’ai pensé que… Je ne voulais pas que…

Plus Justin parlait, plus il s’embrouillait. Pour sa part, Alix contenait difficilement sa colère. Il commençait à en avoir drôlement marre ! Il songea à appuyer sa main une nouvelle fois sur le front de Justin, pour recueillir tout ce qui pourrait lui être utile. « Ça vaudrait peut-être la peine d’essayer au lieu d’attendre bêtement que cet idiot fasse preuve de bonne volonté », supputa Alix.

— Mon grand-père a volé cette carte quand il était très jeune. Il en comprenait bien mal la valeur. Tout comme moi…

— Explique-toi, gronda Alix, lui accordant une dernière chance.

— Mon grand-père participait alors à une expédition dans les Terres Intérieures. Le seigneur qui l’avait recruté avait finalement opté pour un itinéraire différent de celui prévu. Il disait avoir reçu de nouvelles informations et désirait en profiter avant que d’autres ne le fassent. Ce changement ne plut pas à certains des hommes embauchés et plusieurs préférèrent ne pas partir. Mon grand-père jugea que ce ne pouvait qu’être une bonne chose d’avoir droit à du nouveau et il choisit de continuer. Les quelque deux cents hommes voyagèrent pendant plusieurs semaines. Ils ne croisèrent ni ne virent âme qui vive à partir du moment où ils traversèrent la frontière entre les territoires habités et les Terres Intérieures. Les hommes continuèrent pendant un mois encore. Sur leur route, point de champs de bataille, ni de squelettes d’humains ou d’êtres étranges. Le paysage était désolé, peu de végétation, les lacs étaient rares, au même titre que tout le reste. Dociles depuis le début, certains commencèrent à poser des questions devant ce voyage qui ne ressemblait en rien aux récits qu’ils avaient entendus avant le départ. Au début, le seigneur parla peu, se contentant de leur dire d’être patients, qu’ils ne seraient pas déçus. Mais les journées et les semaines s’écoulèrent sans que rien change et la patience des hommes atteignit sa limite. Plusieurs menacèrent de rebrousser chemin avec armes et bagages. Mon grand-père disait que, loin d’émouvoir le seigneur, ces menaces le faisaient sourire. Il répondait invariablement : « Ce n’est pas parce que nous n’avons rien vu à l’aller que vous ne verrez rien au retour » La phrase suffisait à décourager même les plus braves qui savaient ne pas pouvoir faire face seuls.

Bras croisés, Alix commençait à pianoter des doigts sur ses coudes ; il trouvait que Justin prenait beaucoup de temps pour en venir au fait. Celui-ci dut saisir le message puisque son débit s’accéléra sensiblement.

— Une semaine plus tard, le seigneur recommanda aux hommes de se montrer plus prudents et de bien surveiller autour d’eux, surtout la nuit. Il n’en dit pas plus. La plupart en déduisirent qu’ils s’approchaient du but. La nuit suivante, alors que les tours de garde se faisaient à quatre au lieu de deux, un bruit terrifiant se fit entendre. Les hommes se réveillèrent en sursaut et ils tirèrent tous leur épée de leur fourreau. Cinq minutes plus tard, le malheur s’abattait sur eux. Sans lune, ils ne virent pas les créatures qui les attaquaient. Les hommes se battirent avec acharnement, mais ils n’étaient plus qu’une douzaine au petit jour. Le soleil se leva sur une scène de carnage atroce. Des centaines de corps jonchaient le sol, des cadavres appartenant en bien plus grand nombre aux humains qu’aux créatures qui les avaient attaqués : des… des…

— Des quoi ? vociféra Alix.

— Des sylphes et des sylphides, montant des mistrals.

Alix se passa la langue sur les lèvres, puis afficha une moue dubitative :

— Tu es certain que ton grand-père n’est pas resté plusieurs jours sous un soleil de plomb, d’où cette histoire abracadabrante ?

Surpris de la réaction de son ami, Zevin s’exclama :

— Si nous avons des différends avec les gnomes, qui habitent les entrailles de la Terre des Anciens, pourquoi ces hommes n’auraient-ils pas pu croiser des sylphes et des sylphides ?

Alix passa une main nerveuse dans ses cheveux, se demandant s’il valait vraiment la peine d’interrompre le trop long récit de Justin pour leur expliquer quelque chose qu’ils avaient toutes les chances de vouloir ensuite oublier.

— Les élémentaux de l’air, au contraire des gnomes, ne cherchent pas à dominer pour se venger de la race humaine. Avec les glyphes – élémentaux des eaux –, ils sont la moitié pacifique des éléments. On ne les voit jamais et ils ne s’abaissent à des pratiques guerrières qu’en cas d’absolue nécessité. Depuis la mort de Darius, il est très rarement fait mention d’une apparition de leur part. Ils préfèrent veiller sur l’élément qu’ils régissent dans l’ombre, loin des guerres de pouvoir. Ils étaient autrefois fidèles à Darius. Comme il n’y a aucune créature, à ma connaissance, qui leur ressemble, il me semble fort peu probable que cette histoire ait un fondement…

— Peut-être que si je pouvais finir mon histoire, vous y verriez un fondement, comme vous le dites si bien, répliqua Justin d’une voix où sourdait une colère naissante.

D’un geste, Alix lui signifia de se hâter s’il désirait être écouté jusqu’au bout.

— La douzaine d’hommes laissés pour morts firent caucus. Parmi eux, le seigneur qui les avait entraînés dans cette expédition meurtrière. Contre toute attente, il ne pleurait pas la perte de tant de vies humaines, il jubilait. Il ne cessait de répéter que ça ne voulait dire qu’une chose : ils étaient tout près du but. Les survivants qui avaient tous perdu des amis dans cette bataille manifestèrent bruyamment leur rage devant ce manque d’empathie et exigèrent de savoir enfin ce qui justifiait la perte d’autant de vies. Le seigneur ricana avant d’annoncer qu’il cherchait l’emplacement de Ramchad…

— La cité dédiée à Darius sans son consentement ! s’exclama Alix. C’est une légende…

— Qu’est-ce encore que cette histoire ? maugréa Zevin. Comme si on n’avait pas assez de légendes dans ce monde de fous, il faut…

— Tu veux bien arrêter de te plaindre ! siffla Alix, excédé. Tu ne connais pas encore le dixième des légendes de la Terre des Anciens ! La légende de Ramchad date de l’époque de Darius ; il est dit que des êtres d’un nombre incalculable d’espèces se sont réunis quelque part aux confins des Terres Intérieures pour y bâtir une cité en hommage au grand Sage qui ne souhaitait que la paix. Ils y bâtirent des maisons, une immense bibliothèque, de même qu’un temple en son honneur où les habitants pourraient rendre grâce à celui qu’ils percevaient comme un dieu. Mis au fait de la situation, Darius piqua une sainte colère en grondant que personne ne se substituait aux dieux, pas même lui, et qu’il ne voulait surtout pas être associé à quelque culte que ce soit. Il souhaitait voir les peuples vivre en harmonie, rien de plus. Il exigea que l’on détruise la ville. Certains disent qu’il fut exaucé, d’autres affirment qu’il n’en fut rien. Quoi qu’il en soit, bien peu se sont vantés d’y avoir un jour mis les pieds.

— Eh bien, mon grand-père y est allé, lui ! jubila Justin. C’est de Ramchad qu’il a rapporté la carte des Terres Intérieures. Il racontait l’avoir prise des mains de l’un de ses compagnons mourants. Ils ne furent que deux à revenir, puisque tous ceux qui avaient pénétré dans le temple moururent sur place sans raison apparente. L’endroit est une ville fantôme ; plus personne n’y habite depuis des siècles.

Alix n’était guère plus avancé, contrairement à ce que semblait croire Justin. Que des histoires rapportées par un grand-père à son petit-fils pour le divertir. Il s’apprêtait à donner le signal du départ pour Nasaq quand Justin sortit la preuve que le Cyldias attendait. Du collet de sa chemise, il tira une chaînette argentée à laquelle pendaient trois petites breloques.

— Peut-être serez-vous plus enclin à me croire après avoir vu ceci, ronchonna Justin en tendant le bijou.

À l’instant même où les objets touchaient la main d’Alix, ils s’éclairèrent chacun d’une couleur propre. Justin eut un hoquet de surprise tandis qu’Alix et Zevin plissaient les yeux.

— Mais ça n’a jamais fait ça avant ! s’exclama Justin.

Alix resta muet. Penché sur sa paume ouverte, il réfléchissait intensément. Il y avait une petite clé enveloppée de bleu, une représentation maintenant blanchâtre d’un mistral, le cheval ailé des élémentaux de l’air – sculptée dans une pierre inconnue et sertie d’obsidienne à la place des yeux –, et une pièce de monnaie à l’effigie de Darius. Celle-ci brillait d’une aura jaunâtre. Sans prévenir, il lança la chaînette à Zevin, qui l’attrapa au vol. Du coup, le collier perdit tout éclat. Alix fit signe à Zevin de le lui renvoyer. Sitôt en possession du Cyldias, les breloques reprirent leur teinte lumineuse.

— Selon grand-père, ces objets étaient soit des clés pour accéder à la connaissance absolue, soit des indices menant à ces clés. Il vaudrait donc mieux que vous les gardiez, suggéra Justin. De toute façon, je ne me sens pas de taille à les porter, encore moins depuis que je sais quel genre d’individus pourraient avoir envie de mettre la main dessus.

Le jeune homme songeait probablement au sorcier et aux Ybis qui l’accompagnaient. D’un signe de tête, Alix accepta le présent. Il n’était cependant pas au bout de ses surprises alors que Justin lui faisait une ultime révélation.

— Grand-père disait que la pièce de monnaie conduirait irrémédiablement un porteur digne de ce nom vers la cité qui l’avait créée, Ramchad…

* *

*

De retour chez Dame Frénégonde, Alix disparut immédiatement après s’être rassasié. Il gagna son repaire pour communiquer avec Foch, lui demandant une rencontre. Le vieil homme arriva presque aussitôt. Au cours des heures qui subirent, ils se firent le récit des événements des derniers jours, émettant des hypothèses, examinant les breloques du pendentif, maugréant devant la complexité de tout cela. Finalement, il fut convenu que Foch et Wandéline continueraient les recherches et la préparation de la potion de Vidas pendant qu’Alix irait à la rescousse de Naïla, quitte à y laisser sa peau.

— Wandéline tente de la repérer une nouvelle fois. Par le truchement d’une potion, elle suivra ensuite son évolution pour choisir le moment propice. Naïla ne doit pas avoir plus de huit mois de grossesse, ni moins de sept. C’est le délai idéal, compte tenu du temps qu’il te faudra pour la ramener à la pierre et pour faire face aux imprévus, le cas échéant. Il faut que Naïla soit sur Mésa au moins trois semaines avant la naissance.

— Pourquoi Wandéline accepte-t-elle de m’aider ? s’enquit Alix avec à-propos.

— Sa volonté de détruire Mélijna est plus forte que sa rancune, et c’est tant mieux. Cette guerre ridicule entre vous n’a que trop duré.

Alix ne croyait cette explication qu’à demi. Une sorcière comme Wandéline, même si elle était une Fille de Lune déchue et qu’on lui avait retiré son droit de voyager, avait des ressources cachées, Alix en aurait juré. Qu’elle demande l’aide d’un homme qu’elle ne pouvait voir en peinture lui mettait la puce à l’oreille. Et son intuition le trompait rarement.

— Pourquoi ne peux-tu pas simplement croire qu’elle a changé ? demanda Foch, qui, de toute évidence, avait compris l’hésitation du jeune homme.

— Parce que, dans son essence même, Wandéline ne change pas, déclara Alix, lugubre. Il n’y a que ses allégeances qui changent, pas ce qu’elle est. Elle n’a toujours servi qu’elle-même et ça, c’est immuable… Quoi que vous puissiez en penser…

* *

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Comme convenu, Madox conduisit Maëlle au pied de la Montagne aux Sacrifices, avant de disparaître. La Fille de Lune fit le reste du voyage en compagnie des Chinorks, qui veillèrent sur elle jusqu’à ce qu’elle ressorte de la grotte, après la passation des pouvoirs. Comparée à Naïla, la jeune femme avait bien peu de dons exceptionnels et ne pourrait rendre que des services limités. Yodlas l’avait compris à son contact prolongé. Mais c’était tout de même mieux que pas de Fille de Lune du tout. Après son assermentation, Maëlle put rentrer seule chez Morgana.

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Dans les caves du château de Canac, Mélijna explosa littéralement de rage lorsque la Fille de Lune nouvellement assermentée lui glissa entre les doigts pour la seconde fois.

Dès que Maëlle avait quitté magiquement la montagne, la sorcière avait perdu sa trace et était une fois de plus contrainte d’attendre sa prochaine apparition. Étrangement, elle était convaincue que celle-ci ne tarderait pas…

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Trois semaines furent nécessaires à Alix pour apprendre le peu que Foch et Wandéline savaient de Brume. De tous les mondes qui composaient l’univers de Darius, Brume était le plus méconnu des Sages et des érudits. Il n’était pas un prolongement de la Terre des Anciens, mais bien une entité à part entière qui existait longtemps avant que Darius ne crée les cinq autres mondes. Bien qu’il doive partir avec un bagage de connaissances extrêmement réduit, ce n’est pas ce qui inquiétait le plus Alix. Il redoutait bien davantage son prochain face-à-face avec Naïla. Il n’arrivait toujours pas à faire la part des choses la concernant, ni à cerner ses sentiments par rapport à elle, et sa mission. En compagnie de Zevin, Alix s’était aussi entraîné avec acharnement, voyant et revoyant des centaines de fois des techniques de combat qu’il connaissait pourtant par cœur. Il voulait être prêt à toute éventualité. Pour ce qui était de l’usage de la magie, Foch et Wandéline n’avaient eu d’autre choix que d’avouer leur ignorance. Ni l’un ni l’autre n’avait jamais mis les pieds sur Brume. En temps normal, la magie des Filles de Lune assermentées demeurait intacte si elles avaient déjà enfanté, mais celle d’un Être d’Exception comme Alix ? Mystère ! Alix avait vu Wandéline à deux reprises au cours de ces trois semaines et, chaque fois, l’échange avait été bref et glacial, au grand dam de Foch qui espérait toujours un rapprochement. Deux jours avant de partir, Alix fit un saut à son domaine pour régler quelques détails. Selon l’intendant, sa femme n’y avait pas été vue depuis plus d’un mois. Alix s’en fichait comme d’une guigne ! Le Cyldias s’assura que tout continuerait de bien fonctionner malgré son absence qui risquait de s’éterniser. Il réservait sa dernière soirée à Zevin, pour discuter enfin de ce qui s’était passé sur les rives de l’Anguirion.

Quant à Justin, il avait regagné sa demeure deux jours plus tôt, en même temps que Sacha, qui avait repris des forces. Wandéline avait jugé que Mélijna ne représentait plus un réel danger.

* *

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La veille du départ, dès le lever du jour, Alix et Foch se rendirent magiquement en bordure de la forêt qui cachait le lac et le passage pour Mésa. Comme Alix était déjà allé assez près de l’endroit par le passé, les deux hommes n’eurent pas à marcher plus de quelques heures avant d’arriver à destination. En amenant Alix maintenant, Foch savait que le Cyldias et sa protégée n’auraient qu’à s’y rendre directement dès leur retour de Brume - si Alix revenait jamais. Bien que confiant, il arrivait à l’hybride de se demander si son protégé d’antan réussirait pareil tour de force. Le passé ne jouait guère en sa faveur puisque bien peu d’hommes, au cours des siècles, avaient réussi une mission de ce genre sans y laisser la santé, la raison ou la vie.

De retour près de la cabane de Wandéline, les deux hommes discutaient des derniers détails avec Zevin quand Alix reçut une communication de la part de Morgana. Il était impératif qu’elle le voie avant son départ.

* *

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Sur le palier rocheux à l’entrée de son repaire, la Recluse attendait impatiemment la venue d’Alix. Wandéline l’avait mise au courant du départ imminent de l’Être d’Exception.

Par contre, ce n’est pas de son voyage que Morgana voulait l’entretenir, car elle ne croyait pas pouvoir lui être d’une quelconque utilité. Comme tous les érudits de la Terre des Anciens, elle savait bien peu de choses sur Brume et sûrement rien qui pourrait changer le cours des événements. Il était cependant nécessaire qu’elle discute avec Alix du talisman que Naïla devrait rapidement trouver. Les dernières semaines avaient été riches en rebondissements à ce sujet. Morgana et Maëlle avaient beaucoup progressé et s’étaient rapprochées du but autant que possible. C’était maintenant à la Fille de Lune maudite de terminer le travail, avec l’aide de son Cyldias.

Perdue dans ses pensées, la magicienne n’entendit pas le jeune homme, mais elle perçut son approche, ses sens étant constamment en alerte même quand son esprit vagabondait.

Elle l’accueillit avec un plaisir manifeste.

* *

*

Maëlle avait reçu l’ordre de ne pas se montrer au jeune homme qui rendrait visite à Morgana. Tant que la chose serait possible, Morgana désirait que la présence d’une autre Fille de Lune sur la Terre des Anciens reste secrète, ne serait-ce que pour lui sauver la vie tout simplement. Tant et aussi longtemps que Maëlle ne quittait pas la montagne de sa protectrice, personne ne pouvait déceler sa présence.

Curieuse, la jeune femme fit des pieds et des mains afin de voir le visiteur sans être vue. Elle se prit ensuite à rêver d’avoir elle aussi, un jour prochain, un Cyldias comme celui-là. Ce qu’elle avait entendu à son sujet ne pouvait que l’inciter à entretenir cet espoir…

* *

*

— Vous avez retrouvé le talisman de Maxandre !

Franchement surpris, Alix regardait Morgana avec une incrédulité non feinte. Jamais il n’aurait cru que la vie lui ferait pareil cadeau. Morgana esquissa un demi-sourire avant de tempérer la réaction du jeune homme.

— J’ai dit que nous avions retrouvé sa trace. Pour ce qui est du talisman lui-même, j’ai bien peur que la seule personne capable de le récupérer définitivement ne soit Naïla. Et ce ne sera pas une partie de plaisir…

— Où est-il ? s’enquit Alix.

— Un Sage effronté, qui ne semble pas avoir saisi l’importance de ce talisman, a décidé de l’envoyer attendre dans le néant des passages.

Alix fronça les sourcils, espérant avoir mal compris.

— C’est Kaïn, n’est-ce pas ? C’est lui qui a commis la bêtise de perdre cet objet précieux que je vais maintenant devoir récupérer au péril de ma vie…

Signe de tête affirmatif de Morgana.

— Il appert effectivement que ce Sage légendaire ait réussi à sortir de sa prison pour se cacher quelque part sur la Terre des Anciens. Depuis combien de temps ? Je l’ignore. Nous ne pouvons qu’émettre des suppositions en ce qui le concerne. Je serais également bien embêtée de t’expliquer pourquoi il a fait une chose comme celle-là, alors qu’il devait parfaitement savoir ce que renfermait ce pendentif. De toute façon, ça ne change rien au résultat : il faut maintenant réparer les dégâts avant qu’ils ne s’aggravent. Ce qui risque malheureusement de se produire dans un avenir très rapproché.

— Parce qu’il a utilisé un sortilège d’oblitération…

Nouveau signe de tête affirmatif de Morgana.

— Considérant la puissance de cet hybride, le talisman peut rester suspendu très longtemps dans l’espace-temps, mais pas indéfiniment. La seule chose dont je suis certaine, c’est que ce précieux bijou existe toujours.

— Comment savez-vous tout ça ? demanda Alix, à la fois curieux et perplexe.

— Ce serait beaucoup trop long à t’expliquer pour le temps dont nous disposons, Alix de Bronan.

Morgana aimait cette appellation ; elle lui redonnait foi en l’avenir.

— Je te dirai seulement ce qui est essentiel à ton départ.

La Recluse détacha le lacet de cuir qui pendait à son cou puis le tendit à Alix. Ce dernier écarquilla les yeux et s’apprêtait à parler quand la magicienne précisa :

— Ce n’est pas l’original, ce n’est qu’une copie d’excellente qualité. C’est une création d’Alana pour contrebalancer les agissements de Kaïn. Il te faudra la remettre à Naïla avant qu’elle revienne sur la Terre des Anciens. Seule la personne qui possède cette copie pourra espérer retrouver l’original.

— Ce que je sais des traversées ne me donne pas l’impression qu’un être, aussi puissant soit-il, ait beaucoup de temps pour tenter d’y trouver quelque chose.

— Je sais, soupira Morgana, mais c’est dans l’espace-temps des passages que le talisman attend et pas ailleurs. Jamais il n’en sortira autrement que par la main d’un voyageur.

Après une courte pause, la Recluse murmura, comme si tout était de sa faute :

— Je suis désolée…

Alix eut un soupir, s’accompagnant d’un haussement d’épaules.

— Vous n’y êtes pour rien, Morgana, et vous le savez très bien. Souhaitez-moi simplement bonne chance…

— Oh ! Sois assuré que je ne ferai que ça, et ce, jusqu’à ce que vous soyez revenus tous les deux sains et saufs…

Quelques minutes plus tard, Alix quitta la montagne pour se rendre dans son repaire où il prévoyait s’entretenir avec Zevin puis s’offrir une dernière nuit de repos avant le grand départ.

La Recluse rentra chez elle en chuchotant :

— Si vous revenez jamais…

 

* *

*

 

Bien installé à l’abri des oreilles indiscrètes, Alix discuta avec Zevin de son absence prolongée. Le guérisseur lui expliqua qu’il avait été conduit sur les rives de l’Anguirion par la magie d’un vieil homme. Ce dernier avait perçu la puissante aura curative de Zevin dès son arrivée à Nasaq et avait décidé d’en tirer parti. Il s’appelait Laurain et sa petite-fille, Molly, était gravement malade. Bien que les pouvoirs de l’homme soient grands, il était dans l’incapacité de guérir lui-même sa descendante.

Zevin relata ensuite son séjour là-bas. Chaque jour, le guérisseur s’était rendu au chevet de la jeune fille de treize ans, atteinte d’un mal dont il ignorait la source. Il avait donc travaillé sans repère, suivant son intuition. Il vérifiait chaque matin l’état de sa patiente, lui faisait boire quelques potions de son cru puis l’enveloppait d’un étrange éclat jaunâtre. Curieusement, l’aura gagnait chaque jour en opacité alors que Zevin sentait une nouvelle force s’insinuer en lui. À plus d’une reprise, le jeune homme avait suivi son instinct pour concocter des tisanes inédites, pour s’étonner aussitôt de leurs vertus particulières. Il ne pouvait expliquer ce qui s’était passé exactement dans cette demeure, mais il pouvait certifier à Alix que ses pouvoirs avaient décuplé.

— J’avais parfois l’impression que cette adolescente me transmettait une partie de ce qu’elle était tout en s’appropriant une part de moi. Comme si nous procédions à un échange doublement bénéfique. Et ce n’est pas tout. J’ai longuement discuté avec Laurain. Je lui ai demandé comment il était devenu si puissant et pourquoi il n’utilisait pas sa magie pour aider la Terre des Anciens à revivre. Il m’a alors avoué avoir déjà rêvé de gloire et de richesse, dans sa lointaine jeunesse, et même avoir tenté de retrouver les fameux trônes mythiques. Il a toutefois refusé de s’ouvrir sur sa quête, si ce n’est pour me dire qu’il avait été fort déçu par ce qu’il avait découvert. Il m’a aussi beaucoup parlé de sa désillusion face à la Quintius – à laquelle appartient son fils – et de ses espoirs de voir cette organisation s’éteindre. Il faudrait que tu le rencontres quand tu reviendras, conclut Zevin. Je pense qu’il pourrait nous aider à retrouver les enfants magiques que la Quintius fait disparaître depuis des années.

— Si je reviens, répondit Alix, laconique.

* *

*

Alix s’éveilla en sursaut dès les premières lueurs de l’aube. Fidèle à ses habitudes, sa nuit avait été peuplée de cauchemars. Seule différence notable, les êtres n’étaient plus des créatures de races multiples, mais des humains qui le poursuivaient sans cesse en l’injuriant, menaçant de le tuer s’il ne retournait pas au plus vite en enfer – endroit d’où ils le croyaient tout droit sorti. Alix espérait que ce n’était pas un prélude à ce qui l’attendait de l’autre côté de la frontière.

En bâillant, il dissimula tant bien que mal, sous sa chemise, les deux colliers qu’il devait maintenant porter jour et nuit. Il aurait pu laisser celui que Justin lui avait confié aux bons soins de Foch, mais il n’en avait pas eu le courage. Il craignait non seulement que ce présent cause de graves ennuis à son vieil ami, mais aussi d’en avoir besoin — Dieu sait pourquoi – au cours de son voyage. Les trois breloques avaient cessé de scintiller en permanence au contact de sa peau, mais elles continuaient de s’illuminer si Alix les prenait dans sa main. Il aurait aimé avoir plus de temps à consacrer à ses récentes découvertes, mais ce n’était plus possible. L’image de la Fille de Lune perdue sur Brume le hantait au point de le rendre fou.

Une petite voix lui chuchota alors qu’il pouvait créer une cellule temporelle, le temps de faire le point, mais Alix la fit taire. La nuit qui avait succédé à la création de sa dernière cellule temporelle, le jeune homme avait fait un rêve particulièrement troublant, qui refusait maintenant de s’estomper de sa mémoire. Il avait rêvé de sa rencontre avec la victime de ses utilisations délinquantes des cellules temporelles. Elle disait, comme l’avait déjà mentionné la femme de ses songes, être sa propre sœur…

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Sur Bronan, accoudée à la barrière d’un enclos à chevaux, une jeune fille de dix-sept ans contemplait sans le voir le paysage qui s’étendait au loin. Elle était de plus en plus triste, mais elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi. Ou plutôt si, mais elle refusait de croire que c’était ce qui la rendait nostalgique. Depuis un certain temps, elle ne faisait plus la moindre crise, ne se réveillait plus en sueur au beau milieu de la nuit la tête remplie d’horreurs sans nom, ne pleurait plus dès qu’elle devait se mettre au lit et, surtout, elle ne s’évanouissait plus à tout moment, sans raison. Sa mère s’était réjouie de cet intermède particulièrement long, espérant que c’était le début d’un renouveau. Contre toute attente, Delphie se rendait compte qu’elle ne voulait pas devenir comme tout le monde, qu’elle ne voulait pas être normale. Depuis toujours, la jeune femme en devenir était convaincue que tout ce qu’elle vivait avait sa raison d’être et ne devait surtout pas s’arrêter. Elle ne pouvait s’empêcher de croire que sa « guérison » était un très mauvais présage.

Sous prétexte qu’elle était de constitution fragile, sa mère lui avait toujours interdit de quitter les limites du domaine. Elle avait appris à lire et à écrire, de même qu’à compter et maîtriser différentes langues. Par contre, elle ne pouvait participer à aucune tâche physique.

La jeune femme savait qu’un village pas très lointain était habité par une très forte concentration d’érudits et d’êtres que son père qualifiait de « spéciaux ». Récemment, Delphie avait commencé à trouver le confinement dans lequel on la gardait pour le moins étrange. Elle songea qu’il était peut-être temps de désobéir aux diktats parentaux…

* *

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Vers la fin de la journée, Alix atteignit la pierre. Les passages vers Brume, contrairement à ceux conduisant aux cinq autres mondes, ne fonctionnaient parfaitement que la nuit. Il voulait y être avant tout le monde, pour se donner une contenance et réfléchir. Sur place, il contempla longuement la pierre maudite, se demandant comment lui, Alix de Bronan, pourrait voyager à travers le temps et l’espace sans subir le moindre dommage…

Tandis qu’Alix regardait les eaux suivre le courant depuis trop longtemps déjà, Zevin et Foch firent leur apparition. Les mines étaient sombres ; personne n’avait le cœur à rire. Rien ne garantissait la réussite de cette aventure, surtout pour un homme. La suprématie des voyages appartenait depuis toujours aux Filles de Lune, rarement à d’autres, aussi exceptionnels fussent-ils. Alix n’avait pas la marque des voyageurs masculins – une tache de naissance en forme de croissant de lune. Par contre, il était originaire de Bronan et enfant mystique des Édnés. Mais serait-ce suffisant ?

Quelques minutes passèrent en silence. Puis…

— Bon, je crois qu’il est temps.

Alix consulta une dernière fois le parchemin concernant les signes à tracer pour arriver à la bonne époque, s’assurant de ne pas s’être trompé. Puis il formula sa demande dans le langage des Filles de Lune. Enfin, après un ultime regard à Foch et Zevin, il tendit la main vers la pierre et se volatilisa.

— Qu’Alana veille sur lui, murmura Foch avant de partir à son tour, accompagné de Zevin.

* *

*

Invisible, Roderick avait regardé partir son fils. Il devait maintenant attendre qu’Alexis lui ramène la Fille de Lune. L’étape suivante consisterait à tuer la jeune femme dès qu’elle aurait accouché, sachant qu’Alexis mourrait aussi puisqu’il était son Cyldias. De cette façon, Roderick s’approprierait les extraordinaires pouvoirs qui sommeillaient en son fils depuis sa naissance sans avoir à lever la main sur lui. Après quoi, il se débarrasserait de Saùl puis repartirait à la conquête du trône d’Ulphydius. Un sourire de satisfaction aux lèvres, Roderick disparut ; il allait suivre les progrès de son autre fils en attendant…

* *

*

Aspiré par le néant, Alix se sentit tomber de plus en plus vite. Il n’aimait pas du tout cette sensation de ne plus être maître de sa vie et de ses actes. L’impression de lourdeur sur ses épaules devint rapidement oppressante et il eut soudain un haut-le-cœur. Il voulut fermer les yeux, mais quelque chose attira son regard alors même qu’un des pendentifs sur sa poitrine – il aurait été bien embêté de dire lequel – lui occasionnait une pénible sensation de brûlure. Surpris, il constata qu’un objet flottait dans l’espace autour de lui, à quelques mètres. Plissant les yeux pour mieux voir, Alix n’eut que le temps de réaliser que c’était le talisman de Maxandre, avant de perdre connaissance, terrassé par la pression de l’air toujours plus forte…

 

Le talisman de Maxandre
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